Interview de Philippe
Coudray par Art Press (mai 2005)
“Vous
sentez-vous plus proche de la famille des arts plastiques que de celle
de la
littérature ?”
J’ai tendance à
séparer les arts en deux catégories :
ceux qui se déroulent dans le temps, ne
révélant leur contenu que par une vue
d’ensemble qui se réalise dans la
mémoire, et ceux qui s’adressent à
l’esprit de façon instantanée. La
peinture, la sculpture sont bien sûr des arts
instantanés, et le roman se déroule dans le
temps. La musique peut être plus ambiguë :
une mélodie prend du temps, le développement
d’une symphonie encore plus, mais le timbre des instruments
ou certains effets agissent instantanément. Les deux
approches pourraient être nommées
narrative et instantanée. Pour moi, Beethoven est un
narrateur, J.S. Bach un instantané. Le merle est un
narrateur, le rossignol un instantané...
Mes bandes dessinées sont
courtes. Les planches de l’Ours Barnabé ont
maximum six cases. Il n’y a pas de véritable
narration, les premières cases, volontairement plates, ne
servent qu’à amener au gag final dont
l’effet ne peut être
qu’instantané. Je n’aime pas raconter
des histoires. A côté de l’Ours
Barnabé, je fais de la peinture... donc c’est
clair : je me range dans la catégorie “arts
instantanés”, ma réponse à
la question posée est : je me sens plus proche de
la famille des arts plastiques que de celle de la
littérature.
Cela est peut-être du
à une impatience : le résultat doit
être immédiat ! Il doit également
être permanent : une peinture agit de
façon instantanée, mais ce qu’elle
apporte est mystérieux donc l’effet dure, car le
mystère n’a pas de fin. Pour moi, de
même, une narration n’est bonne que si
elle apporte un contenu hors du temps, donc
instantané et éternel, comme dans les arts
plastiques. Le seul problème quand on raconte une histoire,
c’est qu’on risque de
s’égarer...
Philippe Coudray
Garçon au
fauteuil
huile sur toile de Philippe
Coudray
54 x 65 cm - 2004