Je
ne suis pas un
lecteur de bandes dessinées. Beaucoup de personnes qui
voient
que je fais de la bande dessinée ne comprennent pas
pourquoi.
Une première raison est que je ne fais pas de longues
histoires,
de narration, mais des gags courts. Je n’aime pas la
narration,
qui me paraît un genre superficiel, et qui
m’ennuie. Pour
être plus clair : pour moi, l’art est au service du
Mystère. Le Mystère, avec un grand M,
c’est tout ce
qui ne peux être dit avec des mots, tout ce qui
n’appartient pas au savoir, au mesurable, à
l’explicable. C’est ce qui, pour moi,
reflète
l’esprit. Une œuvre qui contient une part de
Mystère
retient l’attention à cause de son contenu. Par
contre le
principe de la narration, c’est de retenir
l’attention
à l’aide du mystère avec un petit m, du
genre : qui est l’assassin ? Dans ce cas,
il ne
s’agit pas de mystère, mais de caché.
C’est
d’ailleurs cette confusion entre le Mystère et le
caché qui est à l’origine de
l’idéologie de la science. La science ne
découvre
que ce qui est caché, et on attend d’elle
à tort
qu’elle nous révèle une part du
Mystère.
Pour qu’une narration devienne intéressante, il
faut
qu’à travers la simple narration
s’exprime autre
chose que le caché. Mais le simple suspense (qui est
l’assassin ?) suffit souvent à justifier une
narration.
C’est pourquoi peu de narrations sont réellement
intéressantes. Dans le domaine du gag court, on peut
retrouver
cette même erreur : c’est la confusion
entre
l’humour et le comique. L’humour contient une
signification : on se rapproche de l’expression du
Mystère. Le comique n’a aucun sens :
c’est la
porte qu’on se prend dans la figure.
Une deuxième raison est l’influence du
cinéma sur
la bande dessinée. Le cinéma est
sur-valorisé
aujourd’hui. Aussi, les dessinateurs de bande
dessinée
multiplient les changement de plans, gros plans,
contre-plongées
propres au cinéma. Cela rend les bandes dessinées
illisibles, la narration ne coule pas de source comme dans Tintin, ce
qui achève de me décourager.